Depuis le 8 janvier 2025, Le Papotin est disponible en kiosque. Ce magazine annuel, réalisé bénévolement depuis1989 par des personnes autistes dans le cadre d’une activité d’hôpital de jour, n’était jusque-là disponible que sur commande. Si l’émission de télévision Les Rencontres du Papotin, tous les mois sur France2, a accru sa notoriété ces trois dernières années, le magazine espère aussi toucher davantage le grand public avec ce nouveau mode de diffusion. Son rédacteur en chef, Julien Bancilhon, nous raconte ce tournant.
Faire-face.fr: Le Papotin a 34ans. Comment a-t-il évolué?
Julien Bancilhon: Lors de sa création, en 1989, Le Papotin était une activité proposée aux personnes autistes fréquentant l’hôpital de jour d’Antony , près de Paris, géré par la fondation L’Élan retrouvé. Son objectif? Leur offrir une ouverture culturelle. Aujourd’hui, y participent également des usagers d’autres hôpitaux de jour, IME et Ésat franciliens.
Une pagination qui n’a cessé d’augmenter au fil des années
Au départ, la forme du Papotin était très “sérieuse” : il était très grand, en noir et blanc. Elle a évolué vers un format plus petit, en couleurs, proche d’un mook (publication à mi-chemin entre un magazine et un livre). Toujours avec des interviews de personnalités. Sa pagination n’a aussi cessé d’augmenter pour atteindre 136pages dans le dernier numéro avec, en Une, le chanteur Philippe Katerine et Ginette Kolinka, survivante de la Shoah.
Jusqu’ici, Le Papotin était disponible uniquement sur notre site, au numéro ou sur abonnement. Pendant longtemps, ses ventes ont tourné autour de 100exemplaires par numéro. Lancée en2022, l’émission de télévision, qui rassemble trois millions de spectateurs en moyenne, a changé la donne: les derniers numéros étaient vendus entre 3000 et 3500 exemplaires.
Les interviews de personnalités, élément phare du Papotin
F-f.fr: Concrètement, qui fait quoi, au Papotin?
J.B: Les 60membres du groupe, des différentes institutions, se retrouvent chaque mercredi matin. S’y joignent en visio quelques adultes partis en institution en Belgique et qui souhaitaient rester impliqués. Lors de cette demi-journée hebdomadaire se réalise l’essentiel du contenu. Nous y invitons des personnalités que nous interviewons, ce qui constitue la plus grande partie du magazine.
En raison de la faible maîtrise de la lecture et de l’écriture de nos membres, on enregistre et retranscrit. Sur place, ils dessinent également. Et ils peuvent proposer des textes qu’ils élaborent sur leur temps libre. Nous relatons également des sorties de notre groupe, qui va beaucoup au théâtre, notamment.
Gardons bien à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’un média professionnel mais réalisé bénévolement. Seul le maquettiste est professionnel. Moi, je reste psychologue les autres jours de la semaine.
F-f.fr: Comment la diffusion en kiosque a-t-elle été possible?
J.B : On en rêvait depuis longtemps mais ça n’a pas été simple. Nous avons demandé l’aide de plusieurs groupes de presse, d’abord sans succès, puis nous avons réussi à convaincre Prisma Média. Ce groupe nous a aidés à négocier des tarifs d’impression très avantageux. Et il a convaincu les différents maillons de la chaîne de distribution de renoncer à leur marge.
Au total, 15 000 exemplaires ont été imprimés, dont 10 000 diffusés dans 3000 kiosques partout en France. Nous ne devenons pas pour autant un titre de Prisma : nous restons indépendants, édités par l’association Le Papotin fenêtre sur la ville, qui réunit tous ceux qui y concourent. La totalité des recettes nous revient, et nous continuons de recevoir des subventions.
Montrer au plus grand nombre ce dont les personnes autistes sont capables
F-f.fr: Qu’attendez-vous de cette nouvelle étape?
J.B: Elle va dans le même sens que l’émission à la télévision : faire écho à une voix qui n’est pas assez entendue. Le Papotin et ses interviews d’acteurs majeurs du monde culturel notamment, c’est drôle, décalé, inattendu, profond.
Notre but n’est pas de parler de l’autisme mais de montrer ce que des personnes autistes sont capables de produire comme objet culturel. D’ailleurs, l’une d’elles vient d’entrer à l’école des Arts décoratifs avec un parcours aménagé. C’est comme ça que l’on espère changer la société.
Avec une diffusion en kiosque, on va pouvoir le montrer à bien davantage de personnes et cela nous booste! Nos journalistes atypiques sont heureux, ils sont pris au sérieux. Nous espérons que ce mode de diffusion pourra se poursuivre.
Le Papotin, 10€, en vente dans près de 3000points de vente en France ainsi que par correspondance sur son site. Interviews à découvrir asso sur sa chaîne Youtube.